Le mouvement

Le mouvement

Dans les écoles communes, on appelle « gymnastique » une discipline musculaire collective qui tend à faire exécuter les mouvements commandés à l’ensemble de la classe. Il existe également la gymnastique à la palestre, qui est un premier pas vers l’acrobatie.

Les écoliers étant obligés d’avoir une vie sédentaire pour leurs études, maintenus dans une position déterminée par la discipline de la classe, assis, rigides, sur des bancs de bois, ces différentes espèces de mouvements se sont trouvés être utiles pour contrebalancer l’inertie musculaire. La gymnastique a, dans ces conditions, représentée un remède commandé à un mal imposé.

Une des principales tâches pratiques de notre méthode a été de faire pénétrer l’éducation musculaire dans la vie même des enfants, en la reliant à la vie quotidienne ; nous avons ainsi introduit pleinement l’éducation des mouvements dans l’ensemble unique et inséparable de l’éducation de la personne enfantine.

Il serait intéressant d’établir un parallèle entre les exercices musculaires que l’on fait faire communément aux enfants pendant les heures d’éducation physique et l’exercice musculaire nécessité par les divers exercices de vie pratique spontanément choisis et exécutés par nos enfants. On verrait alors qu’il s’agit d’une véritable gymnastique dans laquelle s’exercent tous les muscles dans toutes les parties du corps dans le milieu même où vivent les enfants.

Elle se différencie pourtant des exercices communs de la gymnastique : c’est que les exercices de vie pratique ont tous un but intelligent attrayant, à l’époque de la formation et du perfectionnement de la coordination musculaire.

Non seulement cela explique le succès de ces exercices auprès des enfants, mais cela fait sauter aux yeux leur valeur formatrice.

On atteint, grâce à eux, une coordination des muscles entre eux, en même temps qu’ils aident l’enfant à créer cette coordination d’après le guide et sous le commandement de l’intel- ligence.

Rouler un tapis, brosser une paire de souliers, laver une petite cuvette ou un plancher, mettre le couvert, ouvrir et fermer des tiroirs, des portes ou des fenêtres, mettre en ordre une chambre, ordonner les sièges, tirer un rideau, transporter un meuble, etc., sont des exercices où tout le corps est en mouvement, et où le mouvement s’exerce et se perfectionne peu à peu. L’enfant apprend aussi à mouvoir bras et mains, à fortifier ses muscles, plus que par la gymnastique ordinaire. Il ne faudrait toutefois pas considérer les exercices de vie pratique comme une simple gymnastique musculaire : ils constituent un travail. C’est le travail des muscles qui agissent sans se fatiguer, parce que l’intérêt est ranimé à chaque mouvement par la variété.

Les objets qui servent pour la vie pratique n’ont pas une détermination scientifique : ce sont ceux que l’enfant voit employer dans la maison de son père, construits pourtant spécialement dans les proportions adaptées au petit homme. Leur quantité n’est pas fixée par la méthode, mais dépendant des possibilités de l’école, et surtout du temps que l’enfant y passe durant la journée.

Entre autres objets qui exercent les enfants à analyser leurs mouvements, il y a les cadres de laçage : un cadre de bois portant deux rectangles d’étoffe, qui peuvent s’unir. Chaque cadre présente une possibilité différente de fermeture : boutons, ganses, lacets, nœuds, agrafes, fermetures automatiques, etc. Ces objets développent l’habileté des gestes nécessaires à s’habiller ; les deux morceaux d’étoffe doivent d’abord être juxtaposés de façon qu’aux deux parties correspondent réciproquement les oeillets dans lesquels s’enfile un lacet, les boutonnières et les boutons, les rubans à nouer, etc. Cela nécessite des manœuvres différentes, et suffisamment complexes pour pouvoir faire distinguer à l’enfant ses gestes successifs qui doivent être au complet avant de procéder à une autre opération, par exemple – le bouton doit être tenu d’une main, tandis que l’autre tire la boutonnière de façon qu’elle rejoigne le bouton mis en place ; puis le bouton passe ; et ensuite on le replace horizontalement. Après que la maîtresse a montré avec exactitude la façon de procéder, l’enfant continue à essayer et à réessayer, boutonnant et déboutonnant jusqu’à ce qu’il ait acquis habileté et souplesse.

(Pédagogie scientifique, tome 1, Maria Montessori).

Même si les exemples datent un peu, la démarche reste parfaitement d’actualité.

J’ajoute qu’au-delà du raffinement et du perfectionnement du mouvement, les activités de vie pratique développent l’adaptation à l’environnement, l’autonomie et l’indépendance, la volonté et la concentration, ainsi que la confiance en soi.

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