[…] L’enfant apprend très vite, et son doigt, déjà expert pour l’exercice tactile, est conduit par la légère rugosité du papier émeri fin, sur la trace précise de la lettre ; il peut répéter tout seul indéfiniment le mouvement nécessaire pour produire les lettres de l’alphabet sans crainte de se tromper, rien qu’en suivant les formes caligraphiques ; s’il dévie, l’impression de lisse le fait aussitôt s’apercevoir de son erreur.
Les petits enfants de quatre à cinq ans aiment beaucoup répéter ce jeu les yeux fermés, s’ils y sont un peu exercés ; ils se laissent conduire par le papier émeri à suivre la forme sans la voir, et l’on peut dire que la perception tactilo-musculaire directe de la lettre les aidera grandement dans leur conquête définitive.
Si l’exercice est offert à des enfants trop âgés (de six ans par exemple), l’intérêt de la lettre présentée qui reproduit le son et qui compose le mot est tellement prédominant, que le toucher ne l’attire plus assez pour retenir l’exercice du mouvement ; et l’enfant « écrira » moins facilement et moins parfaitement, ayant déjà passé le stade des joies de la motricité.
Le maximum d’intérêt n’est pas apporté au petit enfant par l’image visuelle ; pour lui, c’est la sensation tactile qui conduit sa main à exécuter le geste qui se fixera ensuite grâce à la mémoire musculaire. Quand la maîtresse fait voir et toucher la lettre de l’alphabet, les sensations visuelle, tactile et musculaire interviennent simultanément ; l’image du signe graphique se fixe alors en un temps bien plus bref que la seule image visuelle par les méthodes ordinaires.
On remarque ensuite que la mémoire musculaire est la plus tenace chez le petit enfant, et aussi la mieux prête, puisque, s’il ne reconnaît pas la lettre en la regardant, il la reconnaît en la touchant.
Ces images sont associées aux sensations auditives de l’alphabet. […]
Pédagogie scientifique, tome 1 (Maria Montessori)
De part mon expérience, les objectifs du matériel en général, et donc du matériel de langage en particulier, ne peuvent être atteints qu’à condition que les enfants soient déjà capables d’aller chercher les activités par eux-même et s’y investir à travers l’imitation, la répétition, la volonté de surmonter les difficultés, sans se soucier de leur environnement extérieur.
C’est la raison pour laquelle, dans un premier temps, avant toute attente pédagogique, notre attention doit être portée sur le développement de ces trois seuils : l’autonomie, la confiance en soi et la concentration.