Le langage graphique (1ère partie)

Notre conception pédagogique qui consiste à « aider le développement naturel » de l’enfant, devra-t-elle s’arrêter devant les acquisitions artificielles dues à la civilisation ? Nous voulons parler de l’enseignement de l’écriture et de la lecture. Il s’agit ici d’ »enseigner » clairement ce qui ne dépend pas de la nature même de l’homme. Il est temps d’affronter le problème de la culture par l’éducation et d’envisager, par conséquent, les efforts nécessaires, fût-ce au détriment des impulsions naturelles. Nous savons tous que la lecture et l’écriture constituent, à l’école, le premier écueil, le premier tourment de l’homme, contraint de soumettre sa nature aux nécessités de la civilisation.

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N’a-t-on pas cru longtemps que pour apprendre à écrire il fallait nécessairement faire des bâtons ? Il semblait naturel que, pour écrire les lettres de l’alphabet, qui sont toutes arrondies, il fallait commencer par faire des lignes droites et munir ces petits bâtons de fils à angle aigu. On s’étonna ensuite, en toute bonne foi, qu’il fût si difficile à l’enfant d’assouplir la dureté des angles pour exécuter les belles courbes de l’o, alors qu’il avait fallu tant d’efforts de notre part – et de la sienne – pour l’astreindre à écrire à angle aigu !

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Du temps que j’enseignais aux enfants déficients, il m’était arrivé d’observer ceci :

Une petite idiote [texte écrit 1926] de 11 ans, dont la main avait la mobilité et la force normale, n’arrivait à apprendre à coudre ; pas même à faire le premier point ; elle ne pouvait pas faire le geste qui consiste à passer l’aiguille successivement du dessus au dessous de la trame, en ne prenant et ne laissant que peu de tissu.

Je mis alors cette enfant au tissage de Froebel, qui consiste à faire enfiler une bande de papier transversalement entre des bandes verticales de papier, fixées en haut et en bas. L’analogie entre les deux travaux me parut intéressante. Quand la fillette réussit les tissages de Froebel, je la ramenai à la couture, et je vis avec plaisir qu’elle exécutait le point.

Le mouvement nécessaire à la couture avait été préparé sans cours ; il fallait donc trouver la manière d’enseigner les mouvements avant de les faire exécuter […]

Je pensai alors pouvoir préparer ainsi l’écriture, et je m’étonnai de la simplicité de cette idée.

[…]

En effet, après avoir fait toucher aux enfants les contours géométriques des emboîtements plans, il ne restait qu’à leur faire toucher du doigt, de la même façon, les lettres de l’alphabet.

Maria Montessori – Pédagogie scientifique tome 1

L’action indirecte est au coeur de la pédagogie Montessori. Les enfants s’entraînent à exercer les gestes qui leur seront utiles ultérieurement. Les activités telles que verser des graines avec une cuiller, laver la table, coudre, les formes à dessins, les lettres rugueuses sont des préambules qui faciliteront leur apprentissage de l’écriture en tant que geste graphique.

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