4. Possibilités d’auto-activités. Il faut que le matériel de développement se prêteà l’activité de l’enfant. La possibilité de maintenir avec intérêt son attention ne dépend pas tant de « la qualité » contenue dans les objets, que des possibilités d’activité qu’ils offrent.
Pour rendre un travail intéressant, il ne suffit pas qu’il soit intéressant en soi : il faut qu’il se prête à l’activité motrice de l’enfant. Il faut donc de petits objets à déplacer ; et c’est, plus que les objets eux-mêmes, la main de l’enfant qui le garde actif, qui lui fait faire et défaire, déplacer et replacer tant de fois de suite les objets, prolongeant l’occupation. Un très beau jouet, une vision attrayante, un récit stupéfiant, peuvent naturellement éveiller l’intérêt ; mais si l’enfant n’a qu’à « regarder », à « écouter », ou à « toucher » un objet immobile, l’intérêt sera superficiel et passager ; il faut donc que le milieu soit entièrement combiné pour se prêter à l’activité enfantine ; s’il n’était que beau, cela n’intéresserait l’enfant qu’un jour ; mais chaque objet pouvant être pris, manié et remis en place, l’attrait est inépuisable.
5. Les limites. Voici un principe général pour tous les « moyens matériels » construits en vue d’éduquer ; pour être, jusqu’à présent, assez peu compris, il est pourtant du plus haut intérêt pédagogique ; le matériel doit être « limité » en quantité. Une fois constaté, cela devient logique et clair : l’enfant normal n’a pas de « stimulants qui le réveillent », qui « le mettent en rapport avec son milieu réel ». Il est éveillé, et ses rapports avec son milieu sont innombrables et continuels. Il a besoin, par contre, d’ordonner le chaos qui s’est formé dans sa conscience à cause de la multitude des sensations que lui a apportées le monde. Il n’est pas un « dormeur » dans la vie, comme l’enfant déficient, mais un « hardi explorateur dans ce monde, neuf pour lui » ; en sa qualité d’explorateur, ce dont il a besoin, c’est un chemin qui le conduise à son but, et lui épargne les déviations fatigantes qui entravent l’avance. Alors, il « s’attaque passionnément » à ces objets limités et directs qui ordonnent son chaos, et qui, en même temps que l’ordre, apportent la clarté à son esprit d’explorateur.
Nous nous sommes tous trompés en croyant que l’enfant « riche en jouets », « riche en aide » devrait être plus développé. La multitude désordonnées d’objets aggrave, au contraire, l’état de son âme en semant un nouveau chaos ; elle l’opprime en le décourageant.
Les secours qui aident l’enfant à ordonner son esprit et à lui faciliter la compréhension des choses innombrables qui l’entourent, doivent être limités au minimum nécessaire à épargner ses forces, et à le faire avancer avec sécurité sur le chemin difficile du développement.
Le caractère limité du matériel soutient considérablement le développement social. Un enfant qui veut utiliser le même matériel qu’un autre aura plusieurs options devant lui, afin d’éviter une grande frustration et parfois des gestes brusques. Il apprendra à argumenter pour mettre en avant son besoin. Il apprendra à patienter. Il apprendra à partager lorsque cela est possible. Nous sommes toujours dans une pédagogie de l’indirect et chaque caractéristique de l’ambiance a un objectif précis pour soutenir le développement de l’enfant.